jeudi 7 août 2014

[Fiction 28] : Le syndrome du tournesol.



Maman a disparu ce matin. C’est ce que Sophie m’a dit au téléphone quand, après l’avoir cherchée pour déjeuner, elle ne l’a retrouvée ni dans sa chambre, ni dans la maison, ni ailleurs dans la ferme. Je lui ai demandé si je devais venir tout de suite et elle m’a répondu qu’elle était inquiète, que ce n’était pas la première fois, qu’elle n’avait pas voulu m’en parler. Quand je suis arrivé le soir, les rangers étaient là, qui patrouillaient sur les chemins autour, à sa recherche.
On a pris la vieille carte de papa, qu’il emportait lorsqu’il allait à la pêche. On l’a dépliée sur la table et on a dessiné quatre secteurs, qu’on s’est répartis Sophie, les deux rangers et moi. Sophie avait pris un crayon, pas un stylo, pour ne pas abimer la carte. Faut respecter papa, elle a dit.
La maison et la ferme, ainsi que les routes avaient déjà été fouillées, alors on est allé voir les propriétaires voisins, pour qu’ils nous autorisent à quadriller leur ranch. Moi, c’était chez les Pearl, là où le plateau se transforme en collines. Je passais de parc en pâturage, écartant les moutons, je ne pouvais pas m’empêcher de trouver cela très beau.
Le deuxième jour, on n’avait rien trouvé. Mrs Pearl était très gentille avec moi, ses fils m’ont accompagné, mais en vain. Quand je suis retourné la voir pour la remercier, j’ai vu le plan de leur ranch affiché au-dessus de la cheminée et quelque chose m’a troublé. En regardant bien, j’ai vu qu’ils avaient biffé une partie. Ça, c’est le terrain de Mr Mercer, qu’on lui a vendu il y a dix ans ; il ne vaut pas grand-chose. D’ailleurs je ne crois pas qu’il y fasse quoi que ce soit, m’a-t-elle dit. J’ai tout de suite appelé Sophie et les rangers et on s’est retrouvé sur place.
Maman étaient allongée au bord d’un des chemins menant à a rivière. Quand on est passé, elle nous a appelés avec une petite voix. Ses premiers mots ont été de nous reprocher d’avoir attendu trop longtemps. On l’a ramenée à la maison.
Bien plus tard, j’ai parlé de cette histoire à un ranger. Il m’a dit que les gens âgés, lorsqu’ils n’avaient plus toute leur raison, étaient comme les enfants, qu’ils se dirigeaient vers le soleil. Maman avait suivi ce chemin, à l’est le matin, au sud à midi et à l’ouest le soir, comme un tournesol.