Maman a disparu ce matin. C’est ce que Sophie m’a dit au
téléphone quand, après l’avoir cherchée pour déjeuner, elle ne l’a retrouvée ni
dans sa chambre, ni dans la maison, ni ailleurs dans la ferme. Je lui ai
demandé si je devais venir tout de suite et elle m’a répondu qu’elle était
inquiète, que ce n’était pas la première fois, qu’elle n’avait pas voulu m’en
parler. Quand je suis arrivé le soir, les rangers étaient là, qui
patrouillaient sur les chemins autour, à sa recherche.
On a pris la vieille carte de papa, qu’il emportait lorsqu’il
allait à la pêche. On l’a dépliée sur la table et on a dessiné quatre secteurs,
qu’on s’est répartis Sophie, les deux rangers et moi. Sophie avait pris un
crayon, pas un stylo, pour ne pas abimer la carte. Faut respecter papa, elle a
dit.
La maison et la ferme, ainsi que les routes avaient déjà été
fouillées, alors on est allé voir les propriétaires voisins, pour qu’ils nous
autorisent à quadriller leur ranch. Moi, c’était chez les Pearl, là où le
plateau se transforme en collines. Je passais de parc en pâturage, écartant les
moutons, je ne pouvais pas m’empêcher de trouver cela très beau.
Le deuxième jour, on n’avait rien trouvé. Mrs Pearl était
très gentille avec moi, ses fils m’ont accompagné, mais en vain. Quand je suis
retourné la voir pour la remercier, j’ai vu le plan de leur ranch affiché au-dessus
de la cheminée et quelque chose m’a troublé. En regardant bien, j’ai vu qu’ils
avaient biffé une partie. Ça, c’est le terrain de Mr Mercer, qu’on lui a vendu
il y a dix ans ; il ne vaut pas grand-chose. D’ailleurs je ne crois pas qu’il
y fasse quoi que ce soit, m’a-t-elle dit. J’ai tout de suite appelé Sophie et
les rangers et on s’est retrouvé sur place.
Maman étaient allongée au bord d’un des chemins menant à a
rivière. Quand on est passé, elle nous a appelés avec une petite voix. Ses
premiers mots ont été de nous reprocher d’avoir attendu trop longtemps. On l’a
ramenée à la maison.
Bien plus tard, j’ai parlé de cette histoire à un ranger. Il
m’a dit que les gens âgés, lorsqu’ils n’avaient plus toute leur raison, étaient
comme les enfants, qu’ils se dirigeaient vers le soleil. Maman avait suivi ce
chemin, à l’est le matin, au sud à midi et à l’ouest le soir, comme un
tournesol.