dimanche 13 décembre 2015

[Semaine 33] : L’ère de la pensée positive.


UN HOMME
UNE FEMME
UN DRONE
UNE VOIX ENREGISTREE
UNE VIDEO

Une cuisine, éclairée par une fenêtre ouverte.

L’HOMME
Tu veux du café ?

LA FEMME
Allez, va pour le breuvage.

L’HOMME
Pas breuvage. Café. Breuvage, c’est tabou, inscrit sur la liste. Faut pas dire breuvage.

LA FEMME
Mais pourquoi ?

L’HOMME
Je ne sais pas. Sans doute trop intellectuel, breuvage. On dit café, coca, bière, menthe à l’eau… Pas breuvage, c’est tout. Discute pas. Tiens, bois. C’est un nouveau br… café. Zéro carbone ; ils en parlent sur Twitter. C’est top. Ça m’a coûté un br… enfin, je veux dire, c’est un investissement solidaire. Tiens, goûte.

(Elle boit et recrache dans l’évier)

LA FEMME
Beurk ! De la m…. ! Il a un goût de chiotte ton café solidaire !

L’HOMME
 (À mi-voix)
Chut, chut ! Faut pas dire ça. Tu vas déclencher l’algorithme.

(À haute voix)
Bien, ma chérie, je vais être dans l’obligation de signaler un propos inapproprié… hum…

LA FEMME
Arrête te conneries. Je vais encore être déconnectée pendant deux heures si tu me dénonces.

(Entre un drone par la fenêtre. Il fait le tour de la cuisine et vient terminer sa course entre les deux personnages, en position stationnaire. Sa caméra seule bouge, allant de l’un à l’autre)

L’HOMME
Tu as gagné. Les voilà qui rappliquent ! Enfin, je veux dire… voilà que nous sommes sollicités pour trouver une solution amiable à cette déviation intempestive des nos propos.

(S’adressant au drone)
Bon, faut la comprendre. Elle n’a pas voulu employer ce…  ce vocabulaire incongru. On ne va pas la déconnecter pour si peu, n’est-ce-pas ? Allez, il faut être sympa… enfin, je veux dire, positif.

LA FEMME
 (Au drone)
Oui, c’est ça. Nous, on est PO-SI-TIFS. Tu peux bien comprendre cela, non ? Hein ? Hé, le drone, tu m’entends ou quoi ou merde ?

L’HOMME
Mon Dieu…

LA FEMME
Mais qu’est-ce qu’il fout ce drone de mes deux, à nous regarder comme cela ? J’ai pas assassiné le roi d’Angleterre, tout de même ?

L’HOMME
 (A mi-voix)
Arrête, je t’en supplie, arrête !

LA FEMME
Non ! Je ne vais pas m’arrêter, j’en ai assez de vivre cette vie idiote avec ces drones qui font la loi et les mots qu’on doit dire et pas dire et puis j’en ai marre d’être raquettée pour payer le droit de dire ce que je pense et puis...

LA VOIX
Déconnexion dans quinze secondes.

LA FEMME
Elle va se la fermer, celle là ?

LA VOIX
Déconnexion dans dix secondes.

LA FEMME
Chéri, fait quelque chose !

LA VOIX
Déconnexion dans cinq secondes.

LA FEMME
Argh !

LA VOIX
Déconnexion activée.

(Elle s’affaisse doucement sur sa chaise. Il se lève, lui tâte le bras, essaie de le ranimer mais il retombe, flasque. Il fait deux fois le tour de la cuisine, ouvre et referme des placards. L’écran de télévision s’allume et apparaît un commercial en vidéo)

LA VIDEO
Vous êtes déconnecté ? Comme c’est dommage…  Aujourd’hui, vous pouvez renouer avec la réalité en profitant de notre offre spéciale. Pour 450 dollars, nous rétablissons la connexion. Il vous suffit de dire CONNEXION et vous voilà parti pour de nouvelles aventures. 450 dollars, et nous vous offrons une seconde vie ! 

mercredi 9 décembre 2015

[Semaine 32] : Les autodidactes.


Minnie, c’est ma copine. On s’est amusé comme des fous quand on a attaqué la ligne des K. Moi, j’ai adoré Kerouac, On The Road, je l’ai avalé d’un trait, comme un rouleau de papier toilette, un régal. Elle, c’était plutôt Kant : Minnie, c’est une intello. La Critique, elle l’a engloutie sans ciller. Après, on a continué sur Kafka, la Métamorphose collée au Procès. Et puis Koestler, Kundera, avant d’arriver sur les L : Laclos, madame de La Fayette, Lautréamont, Lorca. J’ai dit à Minnie de faire quand même gaffe, on ne sait jamais sur quoi ni sur qui on peut tomber. Mais elle m’a répondu qu’elle ne craignait rien, qu’elle traçait sa route. J’avais raison de m’inquiéter, les bouquins de Martin du Gard, ils sentaient le rance. Mauvaise colle. Le lendemain, j’ai retrouvée Minnie entre le tome 2 et le tome 3 des Thibault, morte, sur le dos. Pauvre petite souris, ça m’a fait de la peine. Alors j’ai quitté la bibliothèque pour m’installer dans la cuisine, derrière les fourneaux. Bien au chaud.

vendredi 27 novembre 2015

[Semaine 31] : L’affaire Cathy Williams (quatre).



Transcription d la cassette de l’appareil répondeur-enregistreur retrouvé  au domicile de Mr Peter Chowder, à la suite d’une perquisition réalisée le xxxx, sur commission rogatoire du procureur Dahan, du district de Davenport, Iowa.

Message d’accueil
Bonjour, vous êtes chez Jenny et Pete. Soyez sympas, laissez votre message après le bip. A bientôt.

Message enregistré n°1. Vendredi xxxx, 3:12 pm
Hi Mum, c’est Kate. Je passe chez Doris tout à l’heure après les cours. J’arriverai vers 6 heures.

Message enregistré n°2. Vendredi xxxx, 3:54 pm
Salut chérie. Est-ce que t’as pensé à prévenir George pour vendredi ? Il m’a appelé tout à l’heure et il avait pas l’air très au courant. C’est sympa. Allez, à tout à l’heure.

Message enregistré n°3. Vendredi xxxx, 5:23 pm
Jenny, il m’arrive un truc incroyable. Ecoute, tu vas pas me croire, mais j’ai reçu un email de Cathy. Tu te rappelle Cathy ? Eh bien, elle m’a écrit. C’est juste dingue. On est en train d’échanger. Je t’en dirai plus tout à l’heure.

Message enregistré n°4. Vendredi xxxx, 5:34 pm
Jenny, Cathy m’a dit d’aller à l’université. Tu te rappelles dans les cuisines. Ouais, sans rancune, elle m’a dit, comme ça. Ecoute, on se donne rendez-vous sur place. Dépêche-toi, à 6:15. A toute.

Message enregistré n°5. Vendredi xxxx, 6:42 pm

Jenny, help. Ecoute, je veux pas t’affoler, mais viens vite. J’étouffe. Il fait tout noir. J’ai du mal à respirer. [silence]. Jenny, j’ai peur.

jeudi 26 novembre 2015

[Semaine 30] : L’affaire Cathy Williams (trois).

Article paru dans l’Iowa Evening Post

Le Mystère de la Chambre Froide.

De notre envoyé spécial à Davenport

Suicide ou meurtre déguisé ? Trois jours après la découverte du corps sans vie de Peter Chowder dans la chambre froide des cuisines de la Queens University, le mystère reste entier.


Le capitaine O’Brian se serait bien passé d’une telle publicité. Dans ses bureaux  dont les fenêtres s’ouvrent sur la très bucolique campagne du lac Panker, il vient de relire le rapport d’autopsie le centre médicolégal de Davenport (IA). Un document pour le moins prudent qui, entre assassinat et suicide, ne prend pas partie.  « Pas de déclaration à faire pour l’instant. Nous informerons la presse l’heure venue. »
Ce qui est sûr, et ce que le rapport d’autopsie met en exergue, c’est que Peter Chowder, 56 ans, est  mort d’une crise cardiaque et qu’il a été retrouvé enfermé dans la chambre froide de l’Université. Il a été découvert lundi matin par l’équipe de cuisine au moment où elle prenait ses quartiers de la semaine. A en croire les premières constatations, Mr Chowder était décédé trois jours plus tôt, soit vendredi soir, alors que les employés étaient déjà partis pour le week-end. Comment a-t-il pu s’introduire dans les locaux de l’université, placés sous alarme, et comment est-il rentré dans la chambre froide, fermée par un cadenas, la question est posée et la police est loin d’en avoir trouvé la réponse.

La foire aux rumeurs


Dans cette petite ville de l’Iowa, plus connue pour son festival de country music que pour ses faits divers, les rumeurs vont bon train. Suicide déguisé, meurtre rituel, intervention divine ou même extraterrestre, les hypothèses les plus fantaisistes se succèdent au bar du pub local. « Il faut laisser la police faire son travail, déclare le capitaine O’Brian à qui veut l’entendre. Nous fouillons le passé de Mr Chowder, nous interrogeons son épouse, les rodeurs, rien n’est laissé au hasard. Nous demandons aux habitants de Davenport d’être patients et de garder leur sang froid. »
Les hautes fenêtres néo-tudoriennes de la Queens University de Davenport risquent donc de cacher encore longtemps le secret de Peter Chowder. Que venait-il chercher dans cette chambre froide ? Comment a-t-il pu s’introduire sans déclencher la sécurité ? L’enquête le dira sans doute bientôt. Mais il se murmure, au-delà des lourds murs de brique, que ce n’est pas la première fois que l’université abrite des drames et que le lieu est maudit : vexations, violences, décès suspects, les exemples sont nombreux de faits divers qui ont tourné au tragique. C’est le cas de l’affaire Cathy Williams, une étudiante de l’université qui, en 1981, avait été retrouvée étouffée suite à une séance de bizutage qui avait mal tourné. La police avait, à l’époque, conclu à un accident. Deux jours après avoir été retrouvé, le corps avait mystérieusement disparu. L’affaire avait été classée mais le cas était resté suspect : la Queens University serait-elle hantée ? Les vents du lac Panker qui descendent des montagnes voisines ont la réputation de rendre fou et ils n’ont pas fini de souffler dans les longs couloirs de l’université.

 < à suivre >

mercredi 25 novembre 2015

[Semaine 29] : L’affaire Cathy Williams (deux).

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : T’es où ?

Alors, vous venez, ou quoi ?

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Cathy, c’est toi ?

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Oui, idiot. Qui veux-tu que ce soit ?

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Dingue ! Depuis tout ce temps !

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Comme tu dis. Alors, tu viens m’ouvrir ou quoi ? Si tu crois que ça m’amuse, vos blagues d’ado attardé.

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

C’est incroyable de te savoir là, après toutes ces années.

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Je commence à manquer d’air.

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Toutes ces années, j’ai souvent pensé à toi, tu sais…

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

J’étouffe !

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

T’étais super, vraiment superbe, comme fille. Je ne te l’ai jamais dit, mais c’était super cette nuit qu’on a passé, là. Jamais plus je n’ai revécu cela.

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Tu me fais marcher… Respirer.

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Mais non, je t’assure, c’est vrai, je t’assure.

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Et c’est maintenant que tu me le dis, après ce que tu m’as fait ?

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Bon, allez, c’est pour rire ;) Et c’est la tradition.

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Moi, je trouve cela débile et pas drôle. Sors-moi de là.

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Pete, tu me réponds ou quoi ?

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Peter ?

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Oui, oui, je suis là. Il fallait que je descende, rapport au boulot.

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Mmm… Tu es allé la voir, c’est ça ?

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Quoi, ça ?

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Cette vieille s… de Jenny.

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Allez, arrête. Jenny, c’est ma femme maintenant.

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

QUOI, JENNY, TA FEMME ? TU TE FOUS DE MOI ?

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Mais, Cathy, oui, c’est bien Jenny, ma femme. Et depuis longtemps. Mais, tu sais, je ne t’ai jamais oubliée, Cathy.

De : cat@queensuniversity.org
A : pete@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

J’étouffe.

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Cathy ?

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Tu es toujours là ?

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

Cat, répond-moi.

De : pete@queensuniversity.org
A : cat@queensuniversity.org
Objet : RE: T’es où ?

J’arrive.

< à suivre >




mardi 24 novembre 2015

[Semaine 28] : L’affaire Cathy Williams (un).

Monsieur Ordinateur est venu ce matin et m’a promis que tout allait se remettre à fonctionner comme avant. Je vais recevoir tous mes emails, il me l’a promis, comme avant et qu’il n’y aura pas de courriers perdus, ça, il me l’a promis, il fallait juste que les serveurs reboutent et, il me l’a promis, ce sera comme avant.
Pour le coup, j’en ai reçu 542, en dix minutes, le temps que j’aille voir Nicole au Bacofisse, qu’elle me redonne le dossier que je lui avais prêté parce que Julio (Julio, c’est mon chef), m’a demandé de le boucler aujourd’hui, c’est pressé, paraît-il. (Je n’en crois rien, Julio exagère toujours un peu, quand il a besoin de quelque-chose. En fait, je sais qu’il en a besoin pour la semaine prochaine).
Le temps que je remonte de chez Nicole par l’ascenseur et tout, eh bien j’avais 542 nouveaux messages sur ma boîte aux Aoutlouque, 542 messages à trier, lire, répondre plus tard, tout de suite, vite vite, c’est urgent, qu’est-ce que je vais devenir, c’est la kata.
Je les ai classés par date, des plus anciens aux plus récents, comme ça je vais déjà pouvoir me débarrasser des vieux emails vite fait, j’ai pensé, les urgents attendront demain, quand j’aurai fini avec le dossier de Julio.
Le problème c’est que le premier email datait du 15 octobre 1979. Mince, je me suis dit, comment est-ce possible, d’où il vient celui-là ? J’avais 19 ans le 15 octobre 1979. Encore un coup de Monsieur Ordinateur. Lorsque je l’ai appelé, il m’a dit que je me trompais et que, de toute façon, en 1979, les emails n’existaient pas. Jetez-le, ce doit être un spam ou quelque-chose comme cela, danger, jeter, poubelle.
Mais j’ai ouvert l’email, vu que le 15 octobre 1979 était une date que je connaissais bien, celle des 18 ans de Cathy, la belle Cathy, qui trainait tous les mecs de l’université derrière elle et qui, la veille, le 14 octobre 1979 avait disparu.
Alors j’ai ouvert l’email, vu que l’expéditeur était une dénommée Cathy.

Disparu
Elle a disparu
Au coin de ma rue

Cathy, la fille la plus sexy de l’université, Cathy.

Alors j’ai ouvert l’email.


< à suivre >

mercredi 2 septembre 2015

[Semaine 27] : Salle d’attente.

PERSONNAGE 1
PERSONNAGE 2
PERSONNAGE 3
PERSONNAGE 4

Une salle, des chaises en plastique de couleur et dépareillées, alignées en deux rangées face à un mur. En haut du mur, un panneau affichant un numéro qui change régulièrement, selon un ordre aléatoire.

PERSONNAGE 1
Et vous, pourquoi vous êtes là ?

PERSONNAGE 2
Moi ? j’en sais rien !

PERSONNAGE 1
Assassinat, jalouserie, gloutonnerie, enfin, quelque chose comme cela ?

PERSONNAGE 2
Non, non. Rien du tout. Une vie impeccable : bon fils, bon mari, bon collaborateur, bon père, bon grand-père, bon malade. Tenez, même le chirurgien, il a regretté. C’est dire.

PERSONNAGE 1
Alors, c’est une erreur judiciaire.

PERSONNAGE 2
Oui, c’est ça, une erreur judiciaire. Je leur dirai quand ils m’appelleront.

PERSONNAGE 1
C’est quand même bizarre que vous n’ayez rien à vous reprocher… Et les animaux, vous en faites quoi des animaux ?

PERSONNAGE 2
Ah ? Vous croyez que ça compte ?

PERSONNAGE 1
J’en sais rien. C’est impénétrable, non ? Les chiens, les chats, les vaches, les fourmis. Il y en a même qui disent qu’il faut pas manger de graines, qu’elles portent la vie. Vous imaginez ? Vous mangez une baguette de pain et voilà que vous avez tué votre prochain, réincarné en épi de blé. Pas de bol !

PERSONNAGE 2
Ah ? Les chiens aussi ? Parce que mon chien, oui, j’ai dû le faire piquer. Il était malade. C’était pour qu’il ne souffre pas. Pauvre Pépère, tenez, j’en ai les larmes aux yeux. (Il éclate en sanglots)

PERSONNAGE 3 (assis sur la rangée devant)
Hé, Ho ! Vous allez vous taire ? J’arrive pas à me concentrer.

PERSONNAGE 1
Vous concentrer sur quoi ? On ne fait qu’attendre ici.

PERSONNAGE 3
Votre copain, il ferait mieux de s’apitoyer sur son sort. Moi, ça fait trois cent cinquante-quatre ans que j’attends.

PERSONNAGE 1
Alors, ça doit être très grave…

PERSONNAGE 3
Ça, c’est vous qui le dites. Bon, elle criait un peu trop fort, alors j’ai dû insister pour la faire taire… un peu trop. Préméditation qu’ils ont dit. Tu parles, j’étais bourré, ouai. Bien torché. Tenez, si elle était là, elle vous le dirait. Mais elle est montée directement au deuxième étage.

PERSONNAGE 1
C’est dommage qu’ils ne vous aient pas mis ensemble

PERSONNAGE 3
Ah, ça, monsieur, j’y pense tous les jours. D’autant qu’il n’y a pas beaucoup de distraction ici… Et vous ? C’est pourquoi ?

PERSONNAGE 1
Moi, c’est une longue histoire. J’étais homme politique. Vous comprenez, les menteries, les promesses qu’on sait d’avance ne jamais tenir…

PERSONNAGE 3
Je vois. Monsieur est un causeur…

Entre le quatrième personnage. Il hésite, regarde le compteur, semble chercher quelque chose et finit par s’assoir au premier rang à côté du troisième personnage. Attente.

PERSONNAGE 4
Monsieur ?

PERSONNAGE 3
Ouaip ?

PERSONNAGE 4
Le numéro qui s’affiche, là…

PERSONNAGE 3
Ouaip ? Quoi, le numéro qui s’affiche là ?

PERSONNAGE 4
Eh bien, vous savez où on peut se procurer un ticket avec un numéro ? Rapport à l’attente, vous comprenez ?

PERSONNAGE 3
Yapa de distributeur.

PERSONNAGE 4
Ah bon ? Pas de distributeur de ticket ? Mais alors, comment vous faites pour savoir à qui c’est le tour ?

PERSONNAGE 3
Yapa de tour.

PERSONNAGE 4
Pas de tour ? Mais il faut bien y passer non ?

PERSONNAGE 3
Zavez qu’à attendre. Comme tout le monde.

(Silence)

PERSONNAGE 4
Monsieur ?

PERSONNAGE 3
Ouaip ?

PERSONNAGE 4
Ça fait combien de temps que vous attendez ?

PERSONNAGE 3
Trois cent cinquante-quatre.

PERSONNAGE 4
Trois cent cinquante-quatre jours ? Mais c’est dingue !

PERSONNAGE 3
Trois cent cinquante-quatre ans, trois mois, douze jours, cinq heures et quatorze minutes. Bientôt quinze.

PERSONNAGE 4
(Ébahi). Et vous attentez toujours votre tour ? Sans ticket ? Les autres ont dû passer devant vous !

PERSONNAGE 3
Ecoute, mon pote : t’es gentil, mais ça y est, l’Enfer, t’y es. Alors, tu fais comme tout le monde : tu fermes ta gueule et t’attends. Avec un peu de chance, si les autres marioles en bas de se sont pas gourés, un jour, tu passeras au Jugement dernier. On en reparlera à ce moment, de ton ticket. Okay ?


jeudi 20 août 2015

[Semaine 26] : Lettre à Elise

C’est l’histoire d’un type qui va à un mariage, tu vois. Il arrive, tout content de lui et, là, on lui présente une fille, une cousine ou je ne sais plus trop pourquoi elle est là. Comme il est assez content de lui, le gars, il est sportif et bronzé et jeune et tout, eh bien, il lui fait les yeux doux. Au début, elle le prend pour ce qu’il est : un con. Mais il est tellement gentil avec elle, il lui apporte son verre, il est drôle et tout, qu’à la fin, elle tombe amoureuse de lui. Mais bien, raide dingue de lui, elle le dévore des yeux, ils font l’amour, comme ça, vite fait, dans une chambre du château qui a été loué pour le mariage et ils ne se quittent plus, ce sont les deux tourtereaux de la soirée.
L’histoire aurait finalement pu commencer comme cela sauf que, le garçon, il a en poche un billet pour le Canada où il va faire fortune, c’est sûr, il va devenir très riche et un vrai homme d’affaire dans une tour de verre d’Ottawa, c’est sûr. Alors il hésite, il hésite et il décide d’y aller quand même, à Ottawa, de laisser la jeune fille, elle pourra l’attendre et il reviendra très vite, auréolé d’argent, resplendissant de sa réussite dans le bizenesse.
Evidemment, ça ne se passe pas comme ça. Ottawa, c’est un ratage, lui, c’est un bon à rien et quand je suis revenu, tu étais partie avec un autre et ce que tu as devant toi, c’est un pauvre type qui ne t’a jamais oubliée et qui, tous les jours qu’il a passé dans ce p… de bled, a pensé à la soirée avec toi et à ton corps sublime et qu’il voudrait bien tout recommencer, comme cela, les sourires, la blagues, les verres partagés, et les baisers.

[Semaine 25] : Tinderisation

Quelle arnaque !
Je passe devant elle en scooter sans m’arrêter. Au moins, j’espère qu’elle ne m’a pas reconnu. Ouf, j’ai mon casque, mais comme je suis à peu près le seul à circuler dans la rue à cette heure, c’est louche. Bon, je vais faire un tour du pâté de maison, histoire de refaire le point.
Non, mais, je ne rêve pas ! Elle a au moins quinze ans de plus que la photo de son profil ! Merci Photoshop, c’est un vrai miracle !
Bon, mon chéri, tu vas être aimable avec la dame. Tu vas aller te garer plus loin et tu vas dîner avec elle, tu n’as qu’à aller chez PapaPasta, au moins ça sera pas trop cher et puis, après, tu vas dire à la dame que tu la remercies beaucoup pour ce bon moment passé en sa compagnie et tu vas la raccompagner jusqu’à la bouche de métro  et au revoir, oui, c’est ça, on se reverra (un jour ? jamais ! tu es trop moche !). Comme ça, tu auras été un vrai gentleman, ta maman serait fière de toi.
Mon dieu, elle est encore plus moche de près, mais non, mais non, je n’ai pas tourné trois fois avant de te trouver. En fait si, je cherchais une place pour mon scooter, non je ne peux pas le garer n’importe où, tu comprends, maintenant, on a des prunes pour un rien, désolé de t’avoir fait attendre. Bon, qu’est-ce que tu penses d’une pizza, là, chez PapaPasta ? Non ? Ils font aussi des salades italiennes. Non ? Tu préfères dîner français ? Va pour Mireille. Je te préviens, c’est du lourd, enfin, je veux dire, pas spécialement l’addition, la cuisine aussi.
Ça commence mal, l’histoire. Si tu crois que tu vas t’en débarrasser comme cela, en la ramenant à la bouche de métro, tu te goures mon gars. Elle va s’accrocher à toi et à ton corps de rêve. Sûr que, pour elle, t’es le bon plan Q de la semaine, merci Internet. Ce que tu ne sais pas encore, mon pote, c’est que la nana de chez Tinder, tu vas te la colleter pendant trente ans, que tu vas avoir trois gamins avec elle, qu’elle va ainsi te tenir jusqu’à que tu partes pour un plus jeune en la laissant choir comme un malpropre, quoiqu’en aurait pensé ta mère qui ne sera plus là alors pour te donner la morale de l’affaire lorsque tu diras : « mais comment ai-je pu rester si longtemps avec un femme qui n’était même pas mon genre ? »

[Semaine 24] : Qui est Clément ?

« Clément ». Mon père regarde dans le vide en répétant ce prénom que je ne connais pas. « On l’a retrouvé au bout de la rue ; il cherchait à entrer au numéro 12, l’hôtel particulier qui est inoccupé car ce sont des étrangers, les propriétaires, vous comprenez ? Ils ne viennent là qu’une ou deux semaines par an, en septembre, prendre le frais. Il fait très chaud chez eux, il n’y avait personne, que le gardien. C’est lui qui nous a prévenus que votre papa cherchait à entrer dans la maison. » Le policier est tout jeune. Il me prend par l’épaule, je ne comprends pas pourquoi. Papa a l’air si bien, qui me regarde en souriant. « Merci, merci, je marmonne sans cesse.
— Vous savez, on le connait bien, votre papa. Tous les jours il vient nous dire bonjour, il nous appelle par nos prénoms. Monter la garde devant le domicile d’une huile, c’est pas très amusant. Au moins, lui, il ne nous prenait pas pour des larbins, vous voyez ce que je veux dire ? (Pourquoi parle-t-il au passé de Papa ; il est bien là, non ?) Votre père, madame, c’était quelqu’un. »
Bien sûr que papa c’est quelqu’un. Et lui qui n’a jamais rien eu, tous les soirs, il vient me voir de la rue du Cirque et traverse la Seine et jusque dans mon appartement, au cinquième étage, il monte toujours à pied. « L’ascenseur, c’est le moyen de transport le plus dangereux au kilomètre parcouru, » me dit-il à chaque fois et, après, on joue au Scrabble, il gagne toujours, avant de rentrer chez lui, là-bas, de l’autre côté de la Seine, dans sa rue gardée par la police. Sauf ce soir-là, où il est parti sans terminer la partie, je me sens un peu fatigué, j’y vais, ma chérie. On finira la prochaine fois.
« Papa, qui est Clément ? » Il me sourit, essaie de me répondre, mais les mots se suivent sans cohérence. Son front se plisse de rage, sans doute de ne pouvoir s’exprimer. Il hausse les épaules et se tourne vers la fenêtre, les lèvres serrées, laissant Clément gésir entre nous, comme un grand point d’interrogation, sur la table du salon.
Je raccompagne le policier à la porte, merci, encore merci, je suis vraiment touchée, heureusement que vous étiez là, je ne sais pas où on l’aurait retrouvé etc.
J’ai cherché Clément partout, au 12 rue du Cirque, dans les vieux Bottins mondains qui prenaient la poussière dans sa bibliothèque, sur Internet, pendant que Papa continuait à regarder par la fenêtre, refusant de s’alimenter, tu ne vas pas me laisser manger seule, non ? Mais c’était non, les lèvres serrées, à contempler le ciel, au-dessus des toits de la rue, la frondaison des arbres des Champs Elysées au loin ; qui est Clément ? On ne joue plus au Scrabble.
Et puis il s’est éteint tous doucement et il m’a laissé son grand appartement de la rue du Cirque. Maman est venue à ses obsèques, avec sa canne, appuyée au bras de son dernier mari. Elle m’a embrassée en me demandant si j’avais besoin de rien. De rien, non, je n’en ai pas besoin. De quelque chose, peut-être ; jouer au Scrabble, entendre son pas lorsqu’il monte les escaliers, délaissant l’ascenseur, voir sa silhouette s’éloigner dans la rue, vers les quais. Oui, ça, j’en aurais besoin. Et ce n’est pas rien.
Alors, trois jours plus tard, je suis allée la voir. « Qui est Clément ? » lui ai-je demandé. Elle me regarde sans comprendre. « Quoi, Clément. C’est quelqu’un que tu connais ?
— Mais non, les dernières paroles de Papa, quand il a eu son attaque.
— Bah, encore une de ses lubies. Ou le nom de son fleuriste, qui sait ? »
Je suis rentrée chez moi. Sur la table du salon, le jeu de Scrabble était resté comme il était le jour de son départ. Sur son chevalet, les lettres T – N – C – E – L – M – E.
CLEMENT, sept lettres, Scrabble, tu aurais pu gagner encore une fois, si tu n’étais pas parti.

vendredi 31 juillet 2015

[Semaine 23] : ART-quatre. Epitaphe



Article paru dans Maîtrise des Arts n°10.842, 248ème année

Les amateurs se rappelleront l’article de notre revue, n°10.838, consacré à George Sakone et à la redécouverte de cet artiste du XXIème siècle injustement oublié. A dire vrai, il avait été justement oublié pour ses abstractions qui, dans les années vingt, avaient rencontré un certain succès, grâce notamment aux efforts de galeries parisiennes et de Hong Kong. Ces œuvres, aujourd’hui passées de mode, sont pléthore, et la plupart ont été retirées de l’accrochage des grands musées internationaux et remisées dans leurs réserves. Non, ce qui a étonné le petit monde de la critique et des spécialistes, fut l’exhumation d’une série de tableaux figuratifs d’une puissance telle qu’ils furent initialement attribués à Chirico dans sa seconde période, avant que leur paternité ne soit établie.
Non sans mal. On se souviendra de l’enquête diligentée par la critique pour confirmer leur auteur, les prélèvements d’ADN sur les toiles, les empreintes digitales relevées dans l’épaisseur des couches, tout ce qui fit que, de manière certaine et irréfutable, l’auteur des toiles abstraites bien connu des érudits et le peintre ayant produit ces œuvres figuratives énigmatiques ont été reconnus comme étant le même homme.
Les autres critiques électroniques ont longuement discuté de la signification de chacun de ces ouvrages. Les animaux rangés selon un rang protocolaire indéchiffrable, les personnages abîmés dans des conversations obscures, les objets posés sans ordre apparent etc. Certains y ont vu des allégories des temps modernes, la résistance du monde ancien, celui du XXIème siècle où l’auteur était né, face à l’irruption des Googaface, les Google, Amazon et FaceBook. Le dernier sursaut de l’homme, en quelque sorte, avant que l’intelligence artificielle ne prenne le relais de la création pour le plus grand bonheur des masses.
Notre système expert, auteur de ces lignes, a quant à lui pu déterminer que cette dernière piste était proche de la vérité. En confrontant les conclusions des algorithmes des robots AART et CONTEMPORARY, il a été montré, avec une précision de 98,7%, que l’auteur des deux styles évoqués plus haut était obsédé par la numérisation, jugée par lui outrancière, de la société de son époque. Ces images figuratives d’animaux aujourd’hui disparus sont ainsi un dernier témoignage, très émouvant, de ce qu’était la créativité alors.
Qu’il ait été un des derniers spécimens humains à avoir produit de l’art dit contemporain à cette époque sans la contribution d’une intelligence numérique, fait des tableaux de George Sakone un sujet d’étude intéressant. C’est du moins le jugement du Comité de Rédaction électronique de Maîtrise de Arts qui a confié à l’auteur de cet article la rédaction de cette note. On sait aujourd’hui combien les efforts de la gente humaine pour défendre sa prétendue supériorité créative étaient vains. La fabrication automatisée d’œuvre d’art a depuis longtemps pris le pas, abreuvant l’espèce humaine survivante de son abondante production.

@Hal9001

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@toto : Grrrr
@jackylagrenouille : top papy Hal, on t’M
@mickey : heu C koa 1 mouton ?
@HAL 9002 : Joli article mon cousin.

vendredi 10 juillet 2015

[Semaine 22] : le Grand Bogue.

Quand il y a eu le Grand Bogue, Jenny était dans la cour à rentrer les vaches, pendant que Julien préparait le matériel pour la traite. C’est leur fille Nelly qui s’en est rendue compte : elle est arrivée en criant qu’il n’y avait plus de réseau, que ça avait stoppé, que m… on ne pouvait compter sur rien ni personne dans cette f… baraque etc.
Le soir, au moment où normalement chacun se plongeait dans sa tablette, ils purent mesurer la gravité de la situation. Julien avait vérifié les plombs et, à l’évidence, toutes les lignes de la maison étaient hors service et pareil chez les Lebrun dans la ferme d’à côté (Nelly avait dû y aller à pied car son scooter électrique aussi était hors service ; elle était revenue et s’était jetée dans le canapé en soufflant, à demi-morte, éructant que plus rien ne marchait chez eux non plus, que c’était la fin etc.) Effectivement, plus rien ne fonctionnait, ni l’iPad, ni la GoogleCar, ni  l’alarme, ni le smart congelo, ni la couverture chauffante, ni même le distributeur de dentifrice.
« Eh bien, a dit Jenny, on va faire comme au bon vieux temps, toute la famille réunie pour une longue veillée devant la télé. J’ai vu ça sur YouTube, ils étaient dans une cuisine avec une table en formica et regardaient un gros poste noir & blanc… tu te rends compte ? On va bien rire, non ? Allez, à table ! » Mais personne n’avait le moral et tous mastiquaient leur salade lavée dans l’eau du puits car la pompe d’alimentation s’était mise en rouge, elle aussi (qui aurait cru qu’elle fonctionnait avec la wifi ? Mais oui, bien sûr : pour le relevé électronique, il fallait une connexion Internet. Pas d’Internet, pas de relevé des consommations, pas de relevé, pas d’eau, c’était tout cuit).
Le lendemain, Julien et M. Lebrun partirent à pied au bourg, situé à huit kilomètres, prendre des nouvelles. Là, ce n’était que désolation et fureur. Les habitants dormaient dans la rue, les chiens erraient, l’autorail avait déraillé et le maire, affolé, courait d’un coin à l’autre, sans que lui non plus ne sache ni la cause, ni la durée de ce que chacun appelait désormais le Grand Bogue (The Great Bug). Les deux hommes finirent par repartir, car il leur fallait rentrer pour la traite des vaches, qui se faisait maintenant à la main. En route, ils rencontrèrent Dupin, qui habitait un peu plus loin, venu sur son tracteur à essence, une pièce de musée qu’il était bien content d’avoir pu faire démarrer et qu’il pilotait en zigzagant entre les voitures tombées en panne.

Ce n’est que le vendredi de la semaine suivante que les premiers chars firent leur apparition. De bons vieux chars, comme on les voit dans les magazines d’histoire, qui puent le diesel et qui cliquètent quand ils avancent sur l’asphalte. Des chars conduits par des jeunes gens en short qui souriaient aux filles et tiraient sur les passants attardés.
Puis ce fut le tour des Stukas qui passèrent en rafale et larguèrent des bombes incendiaires sur la mairie, annihilant toute résistance si tant est qu’il y en ait eu une. De bon et vrais envahisseurs quoi, qui eurent vite fait de contrôler le paysage, moyennant un peu de nettoyage et quelques exécutions sommaires. De braves gars, qui ramenaient la wifi, la fin du cauchemar. Et tant pis si chacun dût apprendre la langue bizarre et l’écriture tordue des nouveaux maîtres de la planète, pour prix de la connexion à Internet.