Jeannot Lapin naquit à l'âge de sept ans. Son papa, sa maman, ses amis, qui l'aimaient bien, l'envoyèrent à la montagne pour y étudier les plantes aquatiques. En chemin, comme il avait faim, Jeannot Lapin s'arrêta dans une auberge.
"Bonjour monsieur l’aubergiste, Qu’avez-vous de bon à manger ?
- Eh
bien, j'ai du pain, j'ai du vin, j'ai des œufs !
- Des œufs ? C'est
bon, ça !"
Jeannot Lapin en mangea tant et tant qu'il en mourut. Sur sa tombe on inscrivit
:
Ici git Jeannot Lapin, qui naquit à l'âge de sept ans. Son papa, sa maman, ses amis,
qui l'aimaient bien, l'envoyèrent à la montagne pour y étudier les
plantes aquatiques.etc.
jeudi 19 juin 2014
[Fiction 23] : Histoire sans fin (la limonade de Pedro).
Conception naquit à l’âge de seize ans. Son papa, sa maman,
ses amis, qui l’aimaient bien, l’envoyèrent à Belèm pour y étudier les plantes
aquatiques. En chemin, comme elle avait faim, Conception s’arrêta dans une
ferme. « Bonjour monsieur le fermier, qu’avez-vous de bon à manger ? –
J’ai du pain, j’ai de la limonade, j’ai des œufs… » répondit Pedro le
fermier. Conception en mangea tant et tant qu’elle en tomba amoureuse et se
maria à Pedro. Mais bien qu’il fût fort amoureux aussi, Pedro ne cessait de se
plaindre de la vie : « Aujourd’hui, c’est terminé, disait-il à Conception
tous les matins, comme tu me vois là, je te le dis : ce soir, j’aurai mis
fin à mes jours. » Et Pedro chargeait son fusil et remplissait une
bouteille de limonade avec de la mort-aux-rats. Le soir, Pedro changeait d’avis,
remettait son projet au lendemain et, la nuit venue, honorait Conception. Par un
après-midi de juillet, Conception rentra des champs un peu plus tôt que prévu
car elle avait soif. « Je boirais bien de la limonade. J’espère que ce n’est pas la limonade à la mort-aux-rats
de Pedro. » Comme elle avait soif, Conception but toute la bouteille et en
mourut. Sur sa tombe on inscrivit : « Ici git Conception, qui naquit à
l’âge de seize ans. Son papa, sa maman, ses amis, qui l’aimaient bien, l’envoyèrent
à Belèm pour y étudier les plantes aquatiques. En chemin, comme elle avait
faim, etc…
jeudi 12 juin 2014
[Fiction 22] : Google obsession.
Maxime était né autiste ; enfin, disons qu’il souffrait
d’un autisme léger qui ne l’empêchait pas de mener une vie apparemment normale.
Sa manie d’empiler les cubes lorsqu’il était stressé par un départ en weekend
par exemple, avait alerté ses parents suffisamment tôt pour qu’ils l’envoient
dans un institut spécialisé du Vermont où on lui avait appris quelques gestes
de survie comme regarder les gens au-dessus des yeux ou répondre aux questions
des étrangers par des phrases toutes faites qu’il avait apprises par cœur.
Malgré son handicap, qui ne favorisait pas l’expression de
sa créativité, il avait insisté pour aller aux Beaux-arts de Paris (sa mère
était française) où il ne brilla guère bien que, disaient ses professeurs,
faisant preuve de bonne volonté. Il réussissait d’ailleurs mieux côté filles,
car il était bien tourné et sa façon mutique de faire l’amour lui attirait
naturellement la sympathie de ses partenaires. Son professeur d’Art plastique demanda un jour à ses élèves de travailler sur un projet en lien avec un souvenir d’enfance déterminant, traumatisant ou non. Maxime choisit de restituer l’angoisse qui le saisissait au moment de partir en weekend avec ses parents par une série de captures d’écran prises sur le logiciel Streetview de Google qui permet aux internautes de voir à 360° une rue ou un lieu. Il avait, sur son ordinateur, reconstitué mètre par mètre le chemin qu’il suivait jadis en voiture, et en avait rassemblé les images, comme un exorcisme de ses terreurs passées. « Bof, bof, pensa son professeur en voyant la série de clichés représentant des bouts de trottoir et de façades d’immeubles, pas très excitant tout ça. » Maxime lui expliqua le propos, son stress ancien lié à sa maladie etc., si bien que la femme de l’enseignant, qui était par ailleurs galeriste rue Debelleyme dans le Marais, s’y intéressa et jugea l’œuvre digne d’être exposée, dans une salle annexe, sous le titre racoleur de « Google Obsession ».
Personne n’avait, jusqu’alors, traité l’art contemporain de cette manière et ce qui était, pour son auteur, une thérapie, fut perçu comme un « geste » qui lui valut un succès pratiquement immédiat. Le beau jeune homme introverti devint le préféré des giga-collectionneurs de la planète et il revint aux Etats-Unis pour y être exposé, dans des galeries de Chicago et Miami. Maxime se consacra alors à son travail obsessionnel en compilant des vues panoramiques prises aux points de croisement géodésique du territoire des Etats-Unis ou en cherchant, par des calculs mathématiques complexes, à identifier le centre géographique de chacun des cinquante et un Etats pour y faire une photo à 360°. Il sillonnait le pays, avec son matériel photographique, pendant que sa cote montait, montait, montait.
Sa grande œuvre était à venir : il s’agissait de suivre, dans le Connecticut où il était né, une route imaginaire dont le tracé, reporté sur une carte, dessinerait le profil de sa mère, à raison d’une prise de vue tous les deux mètres. La galerie Temple lui alloua pour l’exposition son immense local de la 21ème rue Ouest à New-York. L’effet des 12 432 clichés (l’âge, compté en jours, de sa mère au moment de sa naissance) mis bout-à-bout sur une hauteur de six mètres et qui se prolongeaient au sol, était saisissant : il y eut foule au vernissage. Un enfant, qui accompagnait ses parents ce soir là, eut cependant le mot juste en faisant la remarque que l’on n’y voyait rien : c’est que Maxime, à chacun des 12 432 points de stationnement dans le Connecticut, n’avait pris en photo que le ciel.
Les invités, en entendant ce mot d’enfant, marquèrent un arrêt, puis certains haussèrent les épaules et l’art contemporain put continuer sa course infinie.
jeudi 5 juin 2014
Edgar Allan Poe, 1809 - 1849, auteur de la nouvelle Manuscrit trouvé dans une bouteille
Concevoir l’horreur de mes sensations est, je crois, chose absolument impossible ; cependant, la curiosité de pénétrer les mystères de ces effroyables régions surplombe encore mon désespoir et suffit à me réconcilier avec le plus hideux aspect de la mort.
[Fiction 21] : Manuscrit trouvé dans une bouteille.
Moi, Julie Delpaux, née le 11 avril 1964, je vous le dis
solennellement aujourd’hui, que je suis saine d’esprit comme le confirme le
certificat joint ici et que vous pourrez consulter à loisir, ainsi que les
nombreux documents, courriers, photocopies et preuves que vous trouverez de
même dans la chemise rouge contenant cette déclaration et qui attestent que
tout ce que je dis est vrai, la vérité, réalité et que tout ce que je relate s’est
effectivement passé ainsi que je le décris, chaque événement, chaque fait, il
en est ainsi.
Moi, Julie Delpaux, déclare ici et présentement avoir la
preuve, corroborée par de nombreux éléments, que le docteur Lermercier est
coupable d’avoir trompé une de ses patientes dans l’unique but de lui dérober
sa fortune, qu’il a, pour ce faire, utilisé des moyens de persuasion contraires
à la déontologie de sa profession, qu’il a rompu, par ce fait, le serment d’Hippocrate
qu’il avait prêté en 1985 à l’issue de treize années d’études menées à la
faculté de médecine de Montpellier, dans l’Hérault, et qu’il a fait subir à sa
patiente des pressions psychologiques telles qu’elle a été prête à commettre l’irréparable.
J’ajoute à cela que le docteur Lermercier, non content d’avoir manœuvré à la
perte de sa patiente, lui a personnellement et spontanément donné des conseils
pour qu’elle puisse mettre fin à ses jours de manière simple, rapide et sans
douleur, qu’il l’a aidée, par un soir de grande dépression où elle était dans
sa cuisine, à préparer des capsules mortelles en y intégrant de la mort-aux-rats
qu’elle avait, sur ses recommandations, préalablement achetée à la
quincaillerie de l’Eglise, située 123, rue Foch à Verneuil-la-Bataille (63230),
acquisition dont vous trouverez la trace dans le dossier que je vous transmets
sous forme d’une facturette imprimée sur un papier thermique de six centimètres
de large sur seize de long, l’article en question étant le troisième de la
liste, après le savon noir « La Marseillaise » en bidon d’un litre et
les douze cintres en plastic renforcé.
Moi, Julie Delpaux, déclare que le docteur Lermercier s’est
prêté à toutes sortes de manipulations et, en particulier, qu’il m’a fait
signer des papiers auxquels je ne comprenais rien, de par mon état de santé et
du fait que mon défunt mari Roland, hélas disparu trop tôt, s’occupait
personnellement de toutes ces affaires de paperasseries et que, depuis cinq
longues années hélas, je ne sais plus qui de quoi ni quoi de qui etc. Que ces
papiers se sont avérés être des dons à sa personne des trois immeubles d’un
rapport de six pour cent net que je tenais de l’héritage de ma mère, situés à
Bagnoles de l’Orne pour les deux premiers et à Vaux, pour le troisième, à quoi
s’ajoutaient des actions au porteur sur les mines du Midi qui étaient serrées
dans le coffre du bureau de mon défunt mari, à gauche derrière la porte en
entrant, caché par la plante verte, et de nombreux autres mobiliers, bijoux,
vaisselle de Limoges, tableaux dont une « vue des chutes de Tivoli »
d’après Joseph Vernet, ou du moins prêté pour tel à ce qu’en m’en avait dit, en
son temps, Me Emilien, avoué à Verneuil-la-Bataille (63230) et grand ami de
Roland, mon défunt mari.
Moi, Julie Delpaux, conclut par la présente cette lettre en
ajoutant que le docteur Lemercier, outre qu’il m’a dérobé ma considérable
fortune, a manœuvré pour me mettre sous tutelle puis me déclarer en état de
démence sous prétexte d’une maladie d’Alzheimer que je n’ai jamais contractée,
que les médicaments qu’il m’administre depuis dans la résidence spécialisée
dont il est au demeurant le propriétaire et exploitant, contribuent à me
maintenir dans un état de prostration qui semble confirmer son diagnostic qu’aucune
contre-expertise n’a infirmée depuis, faute de contre-expert et que c’est ce
qui me fait remettre ce dossier à madame Noémie, infirmière, fort gentille de
surcroît, charge à elle de le faire sortir de la clinique et de le publier pour
faire savoir au monde entier que moi, Julie Delpaux, née le 11 avril 1964, suis
saine d’esprit comme le confirme le certificat joint ici et que vous pourrez
consulter à loisir, ainsi que les nombreux documents, courriers, photocopies et
preuves que vous trouverez de même dans la chemise rouge contenant cette
déclaration et qui attestent que tout ce que je dis est vrai, la vérité,
réalité et que tout ce que je relate s’est effectivement passé ainsi que je le
décris, chaque événement, chaque fait, il en est ainsi.
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