Il y a des milliards de gens qui prennent la réalité pour
l’émanation de Dieu.
Moi, ça ne m’effleure pas. D’ailleurs, la messe, ça
m’emmerde. Celle-là, j’y suis venu parce que le prieur m’a invité à le faire.
Si vous n’êtes pas croyant, au moins par tradition, et si vous ne suivez pas la
tradition, au moins par respect.
Je ne crois en rien, je me fous de la tradition et mon
respect s’émousse au contact des petitesses des frères de la chartreuse que je
côtoie. Le prieur a beau être un type bien, il porte un chaîne d’argent un peu
plus large et un peu mieux astiquée que les autres : vanité. Comme sont
vanités tous ces angelots dorés qui décorent le cœur. Je me surprends à compter
le nombre d’heures de travail qu’il a fallu payer pour monter cet autel
baroque, et les mètres-cube de pierre qui ont été acheminés dans la montagne.
Je me lève et je m’assieds, au rythme de la messe, mais, à
nul moment, Dieu ne m’est apparu pour me révéler la foi attendue.
« Comment avez-vous trouvé cette messe ? m’a
demandé le prieur le soir, au sortir du réfectoire. Très belle, vraiment très
belle, j’ai répondu. »
Il n’a rien dit et, moi, je me suis senti tout d’un coup très
con. Fatuité.