Ce Sakone est un faux ? Mais qu’est-ce qu’il lui prend,
l’artiste ? Déclarer tout haut que son tableau qu’il a peint lui-même avec
ses mains – ou avec ses pieds d’ailleurs – est un faux ? Non mais, il est
maboule ou quoi ? Attend, je vais le calmer. Oui, monsieur Sakone, alors,
c’est un faux ? Oh là là, qu’est-ce que vous me racontez là ? Elle
est bien bonne cette blague, ah, ah ! Quel humour, monsieur Sakone etc.
Mais il continue ce con ! Le voilà qui élève la voix et
mes invités qui arrêtent leur conversation et qui s’attroupent autour de lui.
Et cet imbécile qui explique qu’il y a forfaiture, dol, faux etc. Mais est-ce
qu’il sait combien je l’ai payée, sa croûte ? Et pas n’importe où, chez
Gargoniau, 27ème rue. Même que monsieur Gargoniau himself est venu me serrer la pince. Je
commence à comprendre pourquoi : une toile à une plaque, c’est pas tous
les matins, tout Gargoniau qu’il soit.
Bon, il faut que j’appelle Julie à la rescousse avant que ce
peintre de mes deux ne me ruine définitivement la soirée. Julie, tu peux aller
calmer l’ami Sakone ? Il est en train de clamer que son tableau est un
faux. Tu entends cela ? Parle lui, donne lui à bouffer et à boire, ça le
fera taire le temps que je retiens Machin sur la terrasse. Si l’expert de service
entend ce qui se crie dans le salon, on est finis.
Mon Dieu, trop tard, voilatipa que Machin s’approche de la
cheminée, son verre de whisky à la main. Oh là là, et puis et il y a aussi la
Brimberger, il ne manquait plus qu’elle, la grande collectionneuse. Je suis
déshonoré, je suis perdu. Mon tableau que j’avais acheté, financé à crédit, là
dans mon salon, plus un clou, il ne va plus valoir un clou je vous dis. Je suis
sûr qu’il s’énerve, l’artiste, parce qu’on ne lui achète plus ses toiles
aujourd’hui. Son style ampoulé figuratif, personne n’en veut. Alors, il se
venge sur sa production d’il y a trente ans. Ouais, c’est ça, monsieur le grand
créatif se venge. Et pourquoi sur ma pomme ? Qu’est-ce que je lui ai fait,
bon sang ? Il n’avait qu’à le faire chez la Bimberger, elle est blindée,
un tableau de plus ou de moins, c’est une paille pour elle. Jamais je n’aurais
dû l’inviter à ma petite sauterie inaugurale. Erreur fatale ! Mon Dieu,
excusez moi et sauvez-moi du blasphème : je jure devant tous les saints
que le tableau que j’ai acheté 1,240,500 dollars m’a été présenté par la
galerie Gargoniau comme étant un authentique Sakone, de la meilleure époque,
une de ses premières abstractions qu’il ait alors produite, une de ces œuvres
qui on marqué l’histoire de l’Art contemporain, une clé pour comprendre le XXè
siècle etc. et tout la sauce littéraire qu’on m’a servie, tiens je l’ai encore,
la notice, dans le tiroir en haut à gauche de mon bureau, pièce de droite au
premier étage de ce towhouse que j’ai acheté 7,650,000 dollars sur la 8ème
rue, à Park Slope, Brooklyn, New York, NY, Etats-Unis d’Amérique et je jure
devant Dieu que je n’y suis pour rien si , ce soir, j’ai perdu un million de
dollars parti en fumée devant un aréopage d’amis et de relations, tous témoins
de ma mise à mort financière en direct et qui, dès demain, pourront dire :
« Quelle belle soirée nous avons passée chez les Lemercier, elle leur a
coûté un million au bas mot. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de votre commentaire. A jeudi prochain sur www.blogetautresnouvelles.com