vendredi 5 juin 2015

[Semaine 20] : ART-deux. La soirée à un million.




Ce Sakone est un faux ? Mais qu’est-ce qu’il lui prend, l’artiste ? Déclarer tout haut que son tableau qu’il a peint lui-même avec ses mains – ou avec ses pieds d’ailleurs – est un faux ? Non mais, il est maboule ou quoi ? Attend, je vais le calmer. Oui, monsieur Sakone, alors, c’est un faux ? Oh là là, qu’est-ce que vous me racontez là ? Elle est bien bonne cette blague, ah, ah ! Quel humour, monsieur Sakone etc.
Mais il continue ce con ! Le voilà qui élève la voix et mes invités qui arrêtent leur conversation et qui s’attroupent autour de lui. Et cet imbécile qui explique qu’il y a forfaiture, dol, faux etc. Mais est-ce qu’il sait combien je l’ai payée, sa croûte ? Et pas n’importe où, chez Gargoniau, 27ème rue. Même que monsieur Gargoniau himself est venu me serrer la pince. Je commence à comprendre pourquoi : une toile à une plaque, c’est pas tous les matins, tout Gargoniau qu’il soit.
Bon, il faut que j’appelle Julie à la rescousse avant que ce peintre de mes deux ne me ruine définitivement la soirée. Julie, tu peux aller calmer l’ami Sakone ? Il est en train de clamer que son tableau est un faux. Tu entends cela ? Parle lui, donne lui à bouffer et à boire, ça le fera taire le temps que je retiens Machin sur la terrasse. Si l’expert de service entend ce qui se crie dans le salon, on est finis.
Mon Dieu, trop tard, voilatipa que Machin s’approche de la cheminée, son verre de whisky à la main. Oh là là, et puis et il y a aussi la Brimberger, il ne manquait plus qu’elle, la grande collectionneuse. Je suis déshonoré, je suis perdu. Mon tableau que j’avais acheté, financé à crédit, là dans mon salon, plus un clou, il ne va plus valoir un clou je vous dis. Je suis sûr qu’il s’énerve, l’artiste, parce qu’on ne lui achète plus ses toiles aujourd’hui. Son style ampoulé figuratif, personne n’en veut. Alors, il se venge sur sa production d’il y a trente ans. Ouais, c’est ça, monsieur le grand créatif se venge. Et pourquoi sur ma pomme ? Qu’est-ce que je lui ai fait, bon sang ? Il n’avait qu’à le faire chez la Bimberger, elle est blindée, un tableau de plus ou de moins, c’est une paille pour elle. Jamais je n’aurais dû l’inviter à ma petite sauterie inaugurale. Erreur fatale ! Mon Dieu, excusez moi et sauvez-moi du blasphème : je jure devant tous les saints que le tableau que j’ai acheté 1,240,500 dollars m’a été présenté par la galerie Gargoniau comme étant un authentique Sakone, de la meilleure époque, une de ses premières abstractions qu’il ait alors produite, une de ces œuvres qui on marqué l’histoire de l’Art contemporain, une clé pour comprendre le XXè siècle etc. et tout la sauce littéraire qu’on m’a servie, tiens je l’ai encore, la notice, dans le tiroir en haut à gauche de mon bureau, pièce de droite au premier étage de ce towhouse que j’ai acheté 7,650,000 dollars sur la 8ème rue, à Park Slope, Brooklyn, New York, NY, Etats-Unis d’Amérique et je jure devant Dieu que je n’y suis pour rien si , ce soir, j’ai perdu un million de dollars parti en fumée devant un aréopage d’amis et de relations, tous témoins de ma mise à mort financière en direct et qui, dès demain, pourront dire : « Quelle belle soirée nous avons passée chez les Lemercier, elle leur a coûté un million au bas mot. »

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