Quand on n’a plus d’argent, il faut faire preuve
d’imagination. Les députés avaient voté trois cent soixante cinq nouvelles
taxes dans l’année, une par jour. Des taxes sur tout et rien, les crèmes à
bronzer, l’élevage des poulets, le travail illégal, partout où il y avait de
l’agent, il était bienvenu de le prendre pour boucher le trou sidéral du budget
de l’Etat de Syldavie.
Sauf que cela n’avait pas suffi. Cinq jours avant le
bouclage du budget, le soir de Noël, alors que tous les syldaves s’apprêtaient
à réveillonner en famille, il fallait bien se rendre à l’évidence : les
finances n’étaient pas équilibrées et les trois cent soixante cinq nouvelles
taxes ne suffiraient pas à combler le déficit.
Vint le matin de Noël où l’un des cranes d’œuf du ministère,
bien inspiré par les marrons glacés dont il s’était gavé la veille, eut la
géniale intuition que, l’Etat ayant un déficit abyssal de 32%, il suffirait de
faire payer les contribuables en proportion et qu’une solution astucieuse serait
de réduire l’année fiscale à trente cinq semaines, au lieu de cinquante deux. Ainsi,
toutes les trente cinq semaines, les syldaves auraient la douloureuse surprise
de recevoir leur feuille d’impôts, calculée sur la base de leurs revenus de l’année
civile.
Soit que les esprits aient été engourdis par le trop plein
de nourriture engloutie, soit que la situation ait été désespérée au point
d’empêcher toute forme de protestation, l’amendement fut, en l’espace de
quelques heures, rédigé par les fonctionnaires du ministère, examiné par la commission
des finances, rapporté en séance et voté à une courte majorité, à deux heure trente
du matin, devant une Assemblée à 98% vide.
Et le lendemain, alors que commençait l’étrange interrègne qui
sépare Noël du jour de l’An que d’aucuns placent sous l’autorité des Confiseurs,
les syldaves eurent la surprise de découvrir, en lisant leur quotidien, qu’il y
aurait désormais deux façons de compter : celle qui, s’appuyant sur des constats
astronomiques, voulait que la révolution de la Terre soit de cinquante deux semaines
et un jour, deux pour les années bissextiles, et celle de la fiscalité syldave,
qui réduisait le temps à trente cinq semaines, soit deux cent quarante cinq jours
au lieu des trois cent soixante cinq attendus.
D’abord, on cru à une blague, puis on commença à s’interroger
sur les conséquences de cette révolution dans le découpage des années. Fallait-il
donner son âge fiscal ou astronomique lors de la déclaration d’impôts ? Les
horaires des trains devaient-ils être renouvelés toutes les trente cinq semaines,
vu que la SNCS était détenue par l’Etat ? On consulta, par soucis d’œcuménisme,
les autorités protestantes, orthodoxes et même le Pape, qui se défaussa avec prudence,
renvoyant ses ouailles à leurs élus politiques. Après tout, disait-il, le calendrier
liturgique suivait ses propres règles qui fixent le début de l’année au premier
jour de l’aven, alors qui était-il pour donner son avis à ce sujet ?
Bon, le vrai problème était qu’il faudrait payer plus souvent
ses impôts. Le gouvernement en devint tellement impopulaire qu’il perdit la majorité
aux élections qui suivirent. Mais les promesses sont une chose, les contingences
économiques une autre et, malgré ce changement, l’année fiscale syldave resta fixée
à trente cinq semaines, quel que soit le bord politique et il fallut attendre dix
ans pour qu’elle soit recalée sur l’année civile. Les citoyens du microscopique
Etat balkanique gardèrent longtemps l’habitude de jongler entre les deux calendriers,
au gré des besoins, bien au-delà de l’abolition de trente cinq semaines. Les plus
paresseux, fonctionnaires, dog-sitters, employés de la Sécu ou scénaristes de séries
TV, continuent, depuis, à se limiter à trente cinq semaines, tradition que le présent
blog, pour sa deuxième saison et pour les mêmes raisons, a décidé d’appliquer.
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de la saison Deux
de
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