Le mardi 21 avril 1654, Jean Dutour quitta, avec sa femme
Marie, le domicile de son frère situé à Germainville, en Normandie, et se
rendit à pied jusqu’au Havre qu’il atteignit en six jours. De là, il embarqua pour
la province de Québec, et il s’installa comme menuisier dans la ville de Saint-Siméon,
au bord du fleuve Saint Laurent. Il lui
naquit un fils unique qu’il nomma Jacques, lequel se maria en 1682 avec
Michelle Matille, fille d’un fermier installé à proximité. De leur union naquit
douze enfants dont huit survécurent, cinq garçons et trois filles. En 1763,
date du traité de Paris entérinant le rattachement de la Nouvelle France à la
Grande Bretagne, sa descendance était de trois cent soixante-cinq sujets et, à
la constitution du Canada en 1861, elle atteignait soixante mille six cent
vingt-cinq citoyens, dont cinquante-deux pour-cent de femmes. Le 15 août 1945, à la capitulation du Japon, on
comptait cinq cent vingt-trois mille quatre cent douze descendants de Jean
Dutour, parmi lesquels cinq mille quarante-deux charpentiers, quatre mille deux
cent huit soldats, trois cent huit prêtres, deux cent huit prisonniers, cent vingt-trois
avocats, quatre-vingt-cinq meurtriers, quarante-cinq nonnes, deux évêques et un
prix Nobel de physique, décerné à Philippe Dutour en 1937 pour ses travaux sur
la physique nucléaire. Saint-Siméon, village d’établissement de Jean Dutour en
1654, comptait, le 25 octobre 1965, cent trente-quatre mille habitants, une
université et un centre de recherche atomique, cette dernière particularité lui
valant d’être l’une de dix-huit métropoles d’Amérique du Nord à recevoir un
missile balistique SS-7 Saddler d’une portée de onze mille kilomètres, envoyé par l’Union des Républiques
Socialistes Soviétiques à l’occasion de la première frappe de la troisième
guerre mondiale. Ce missile était équipé d’une bombe thermonucléaire d’une
puissance de trois mégatonnes qui explosa à cinquante-huit mètres du sol, cinq
cents mètre du centre de recherche Philippe Dutour et à deux kilomètres quatre
cents mètres du musée consacré à Jean Dutour, qui avait quitté le domicile de
son frère en Normandie trois cent onze ans, six mois et quatre jours plus tôt,
évènement que les quatre-vingt-douze mille cent trente-deux victimes de la
bombe n’eurent pas le temps de regretter.
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