vendredi 20 février 2015

[Semaine 8] : De la supériorité des écoles de commerce.

 
On n’a jamais pu s’entendre, Harry et moi. Caractères opposés : lui, polytechnicien, moi HEC ; on n’était pas faits pour débarquer ensemble sur ce rocher perdu du Pacifique. S’il y avait eu une femme avec nous, un autre rescapé de la croisière s’amuse qui coule, peut-être notre incompréhension mutuelle se serait transformée en jalousie destructrice, une de ces compétitions féroces entre deux mâles en rut pour la possession de la femme reproductrice du clan. Mais non, rien de cela, nous étions désespérément seuls lui et moi. Lui à calculer la probabilité pour qu’un cargo passe un jour au large, multipliée par la chance qu’il fasse un crochet jusqu’à nous, moi fantasmant sur le potentiel touristique de la plage et le chiffre d’affaires additionnel de la discothèque à construire dans la palmeraie adjacente.
Toujours est-il que cet imbécile avait voulu me piéger en me laissant seul sur le caillou, un soir qu’il avait repéré un navire qui passait. Il croyait que je n’avais pas remarqué que le canot qu’il avait construit était monoplace. Très ingénieux, pour un ingénieur ; sauf que moi, pas fou, j’avais planqué les rames. Pas de rames, pas de cargo…
Maintenant que ma chère île déserte n’est plus qu’un point à l’horizon, je me dis que, d’ici à ce que je revienne avec des investisseurs et une bétonneuse, les crabes auront eu le temps de se repaître des restes du polytechnicien. C’est dangereux, une rame, je l’ai toujours dit.

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