Pour mon dernier jour à la chartreuse, le prieur m’a demandé
d’aller aider le frère Jean au jardin. J’ai accepté par égard pour lui, mais
j’étais assez gêné car je ne savais pas ce que je pouvais faire au jardin, avec
mes dix doigts et mes deux pieds, je ne suis pas un manuel, moi, un rat
d’ordinateur juste capable d’interpréter des lignes de chiffres et, de plus, le
frère Jean est un simple, pas vraiment le genre que j’ai l’habitude de côtoyer,
mais j’y suis allé quand même.
Quand je suis arrivé, le frère Jean était déjà là. « Čo
chcete , aby som urobil , aby vám pomohol ? » je lui ai demandé. Il ne m’a
pas répondu. Il était penché sur la terre, fouillant entre les herbes, comme un
dingue, sans raison ni logique, j’étais déconcerté.
Le jardin avait un air de terrain vague, ça me désolait,
alors j’ai désherbé et ratissé, puis j’ai biné les bordures pour bien les
aligner, c’était harassant mais j’étais content de mon travail, ça ou autre
chose, après tout.
Quand le soir est venu, je me suis retourné et j’ai contemplé
mon œuvre, les allées redessinées, la croix originelle du jardin clos restaurée,
je me suis dit que c’était bien, comme au septième jour. Frère Jean se tenait à
mon côté, et regardait aussi le jardin. Il portait dans ses bras un énorme bouquet
de fleurs qu’il avait cueillies une à une, entre les herbes, toute la journée. Des
fleurs pour l’autel, pour son Dieu. Il m’a souri, m’a offert une pâquerette. J’ai
compris que tout ce que j’avais fait était inutile. Futilité.
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