jeudi 30 janvier 2014

[Fiction 4] Bon courage.

« Bon courage, hein ? » Mais pourquoi donc aurais-je besoin de courage pour entamer ma journée ? La boulangère me regarde avec un grand sourire, en me tendant la monnaie. Pourquoi du courage ? Pour finir ma journée ? Pour me rapprocher de la mort ? Et lorsque je serai mort, me faudra-t-il encore du courage ? Non, je sais : elle croit que je suis un travailleur de force, que je vais devoir abattre des arbres en pagaille. Je regarde discrètement mon look dans le miroir derrière la caisse mais ne n’y vois que la silhouette d’un freluquet, avec une tête d’intellectuel (malgré ma chemise à carreaux de type bucheron canadien, je n’ai jamais pu imposer ma carrure).

Donc : la boulangère, qui n’est ni idiote ni aveugle, a devant elle un type qui a l’air d’un employé de bureau en week-end et elle lui souhaite, en plein dimanche, alors qu’elle vient de lui servir six croissants au beurre, trois brioches et une baguette aux céréales, d’être valeureux face à l’adversité, adversité qu’elle sait être constituée d’un petit déjeuner en famille, avec sans doute des enfants autour de la table (on est dimanche, je viens de commander six croissants et il est huit heures et demi, cela tombe sous le sens), avec probablement du thé ou du café, voire du chocolat chaud bien gras. Bref, en toute logique, la boulangère est en train de compatir avec ma petite taille que ma chemise-à-carreaux-type-bucheron-canadien ne relève pas et, prise de pitié, elle me souhaite bien du courage, parce qu’elle pense que ça ne doit pas être drôle tous les jours d’avoir ma tronche et ma taille.

« Imbécile de bonne-femme… » je marmonne en sortant de la boulangerie.

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