Lorsque Jacqueline, la directrice juridique, m’a gratifié d’un
bonjour agrémenté d’un sourire jusqu’aux oreilles, j’aurais dû me méfier. Si
elle ne m’avait jamais souri jusqu’à présent, ce n’était pas à cause de sa
dentition que j’avais supposée en mauvais état, car j’ai découvert qu’elle
avait les dents bien blanches, je vous le confirme. On était à la cantine et je me suis installé à
côté d’elle, pour une fois que je ne mangeais pas tout seul, dans mon coin, en
regardant de loin les collègues rire ensemble à une autre table. Mais
lorsqu’elle m’a jeté qu’elle était très honorée que je partage mon déjeuner
avec elle alors, là, je me suis dis que c’était louche, qu’elle allait me
demander un truc pas clair, un service compliqué à rendre ou que sais-je quoi
d’autre (en tout cas, elle n’en voulait pas à mon corps, parce que, de ce
côté-là, il n’y avait rien à espérer, petit et maigrichon comme j’étais…)
Après, vu le ton enjoué et flatteur que prenait sa conversation, j’ai pensé
qu’elle me prenait pour un autre, un directeur, une huile. Je suis vite remonté,
perplexe, dans mon nouveau bureau à trois travées dont je venais juste
d’hériter, suite au déménagement de la société.
Ce qui était bizarre, c’est que tout le monde semblait me
reconnaître dans les couloirs. Même le type en charge de changer les
essuie-mains, qui ne m’avait jamais adressé la parole, venait traîner dans les
parages et me racontait ses histoires de cœur, ce dont je n’avais rien à fiche
mais je suis un chic type, alors je l’écoutais quand même. Des tas de gens
d’ailleurs, que je ne connaissais que de vue, semblaient m’avoir quitté dans
les minutes précédentes et m’appelaient par mon prénom, je déteste cela, mais
je les laissais dire, même si je n’avais pas l’intention de passer mes
prochaines vacances avec eux, je vous passe les détails.
L’affaire s’est terminé au bout d’une semaine lorsqu’un gars
des moyens généraux est venu me voir dans mon beau bureau tout neuf en me
disant qu’il y avait eu une erreur d’affectation et qu’on m’avait attribué (c’est
vraiment bête n’est-ce pas ?) un bureau à trois travées, ceux qui sont
justement réservés à la direction générale. Si cela ne m’ennuyait pas, on
allait me déménager, quelle regrettable erreur… non, le fauteuil en cuir, c’est
aussi réservé pour les directeurs.
Depuis que je moisis dans un openspace en second jour. Je
vous assure qu’on me fiche la paix. Au fond, ce n’est pas plus mal.
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