J’irai en enfer si je ne suis pas gentil, en enfer si ma
chambre n’est pas rangée, c’est maman qui le dit, mais c’est où, l’enfer ?
Pas dehors, sur le chemin de l’école, je l’aurais vu. Jackie m’a dit que, l’enfer,
on y entre par une grande porte et que c’est sous terre et qu’il y a plein de
diables qui brûlent les pécheurs. Moi, je suis allé un jour à la pêche, avec l’oncle
Manu. On a jeté des bouchons rouges dans l’eau, on les regardait avancer dans
le courant, je me suis un peu ennuyé, surtout que j’avais oublié ma Gameboy. Mais
il est gentil, l’oncle Manu, il m’a donné un gros morceau de chocolat quand il
a vu que je m’ennuyais. Il n’ira pas en enfer, lui, ça c’est sûr.
Quand on est partis à la mer avec papa, maman et Jackie, j’ai
bien regardé dehors, sur la route, par la fenêtre de la voiture, si je ne
voyais pas la porte de l’enfer, mais il n’y avait que des pommiers et des
vaches et des moutons tout blancs et puis des chèvres. Papa dit qu’on les
reconnaît parce qu’elles sont attachées à un piquet et il nous a raconté l’histoire
de la chèvre de monsieur Seguin, je la connaissais déjà, je n’ai pas osé lui
faire de peine, surtout que maman a dit que je ne suis pas gentil de ne pas
ranger ma chambre comme Jackie qui est une fille sérieuse, elle.
Finalement, on est arrivé à la mer ou presque parce que, de
la maison, il faut marcher encore un peu et traverser les dunes avant de voir
la plage, les vagues et la mer avec des surfeurs dessus. Quand j’ai demandé à
Jackie si elle savait où était l’enfer vu que, pour l’instant, je n’avais pas
trouvé la porte, elle m’a répondu qu’on devait pouvoir y entrer par le bunker
là haut, derrière les dunes, et qu’elle le savait parce qu’elle avait vu les
grands y aller le soir et qu’ils lui avaient dit que c’était dangereux et que
ce n’était pas pour les petits comme nous, qu’il fallait pas y aller. Moi, j’ai
dit à Jackie qu’elle était une trouillarde et que j’irai tout seul. Elle n’a
pas voulu me laisser, alors elle m’a suivi en pleurant et menaçant de me cafter
à maman et que c’était vrai que j’étais pas gentil et que les diables, quand
ils sauraient cela, ils me garderaient dans les sous-sols du bunker et que plus
jamais je ne verrai la plage, les vagues et la mer avec les surfeurs dessus.
On a fini par arriver au bunker qui était à moitié
ensablé. On est entrés par un passage que les grands avaient dû aménager et on
s’est retrouvés dans une grande pièce toute vide avec des murs tout noirs. C’était
très sale et ça sentait mauvais, avec plein de papiers partout et une petite
meurtrière sur le côté d’où on voyait toute la côte et la mer avec les surfeurs
dessus et, là, j’ai pensé que maman avait bien raison, que si je ne la rangeais
pas, eh bien ma chambre finirait par ressembler à cela et que ce serait un peu
l’enfer. Alors on est ressortis et on est rentrés à la maison.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de votre commentaire. A jeudi prochain sur www.blogetautresnouvelles.com