jeudi 15 janvier 2015

[Semaine 3] Long Island Railroad (un).

 
« Merde, toute cette neige, on va jamais y arriver, je te dis. Et cet imbécile de Harry, qu’est-ce qu’il fout, hein ? Trois fois que je l’appelle, et toujours son répondeur. Monsieur ne répond jamais aux appels, il préfère rappeler. Ah mais, pour qui il se prend, pour la reine d’Angleterre ou quoi ? Il se rend pas compte qu’il neige et qu’il fait froid et que l’alarme s’est mise en marche. Quand je pense qu’on pourrait être tranquille à la maison devant la télé avec une pizza plutôt que de se payer les encombrements et tout le tintouin sur la 485, mais où ils vont tous ces idiots dans leur bagnole, en week-end, ha, ha ! on est mardi : c’est pas encore l’heure les gars et puis la neige, évitez ! Nous on y va parce que l’alarme s’est déclenchée et que cet imbécile de Harry… »
Je vous passe les détails : j’ai pesté comme ça pendant tout le trajet de Montauk avec Jenny à côté de moi qui regardait la route sans décrocher un mot, les dents serrées, et puis on a fini par arriver, le chemin pas dégagé, la neige qui commençait à monter en congère, on est passés tout juste.
A priori, tout allait bien, vu de loin. De près, c’était une autre histoire : le volet de la cuisine avait été fracturé et l’intérieur de la maison, dévasté par les cambrioleurs. Alors on a appelé la police, ils sont venus et on s’est mis à ranger ce qui était encore en état, jeter le reste et nettoyer. On a commencé par la chambre, ça nous a pris la soirée et on a pu s’y installer pour dormir. Le matin on a continué par les autres pièces : la cuisine, puis le salon etc. Dans l’ordre d’urgence.
Ce n’est que l’après-midi qu’on a découvert le corps de Harry. Il était dans un coin de la terrasse, à l’extérieur, il avait dû recevoir un coup de carabine à bout portant, c’est ce que les flics ont dit après. Certainement les cambrioleurs qu’il avait dû surprendre. C’est Jenny qui l’a trouvé ainsi, dans le froid, ça lui en a mit un coup, elle s’est réfugiée dans mes bras en pleurant, je l’ai calmée, pauvre Harry et moi qui râlait parce qu’il ne répondait pas au téléphone.
On est quand même restés dans la maison ce soir là pour dormir. Jenny n’était pas rassurée, moi non plus mais je n’ai rien dit. Le lendemain, au petit déjeuner, elle m’a dit comme ça, en regardant son bol de café comme si elle y lisait son texte, que c’était fini entre nous, qu’elle avait bien réfléchi, qu’on en avait assez parlé et que sa décision était prise. Je m’y attendais bien, mais ça m’a quand même fait bizarre et je me suis demandé si c’était pas plus dur que quand j’avais vu le corps de Harry, pauvre Harry, il a pas connu ça lui, au moins, quoique j’en sache rien et puis merde, c’est trop moche, j’ai pleuré, Jenny a vaguement levé la tête, m’a regardé avec un air méchant et m’a dit que le mieux était qu’elle me dépose à la gare, les trains circulent maintenant, alors j’ai pris le LIRR de 11:18 et je suis rentré à Pen Station, pauvre Harry.

 

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