mercredi 3 décembre 2014

[Fiction 39] : Le nettoyeur.

 

Je suis le nettoyeur, le dieu, le purifié,

Le prince de la console aux doigts de souris

Des toux, des claques, des voix, je traque le bruit,

Et de vos concertos vous restitue la beauté.

 

De la porte qui irrite votre baignoire,

Déshonorant l’air de la reine de la Nuit,

Comptez sur moi, demain il n’y en restera rien.

 

En quelques jours, grâce à mes tables de mixage

Je vous en restituerai le son le plus pur

Céleste, l’éther sur Terre, avec moi le paradis.

 

L’autre jour, un inconnu m’a envoyé un 

Enregistrement du Stabat Mater. C’était

Tellement beau que j’en avais les larmes aux yeux.

Sauf que, en plein O quam tristis, un grand boom, comme

Un gros furoncle. Là aussi, j’ai tout nettoyé,

Reconstitué la quintessence des voix

Du céleste duo. Un travail titanesque,

Magistral, du bel ouvrage. Mon client était

Si impressionné par mon talent qu’il m’en a

Envoyé d’autres comme celui là, du vrai

Caviar mais avec, chaque fois, le fameux boom.

 

Ça m’a intrigué. J’ai isolé le son, j’ai

Cherché dans ma bruitothèque (je fais collection

Des bruits, j’en ai quinze tétra octets en stock)

Et j’ai dû me rendre à l’évidence : ce n’était

Pas une porte qui claquait, même la chute

D’un micro, mais bien le son d’un coup de feu. Clac.

 

Depuis, moi, le nettoyeur, je vis la terreur,

Ils sont tout près, embusqués, viendront me saisir

Pour me détruire, et mon œuvre de nettoyeur

Divin, sublime, au néant vont la réduire.

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