C’est l’histoire de Jacky, jeune femme fraîchement arrivée
de sa campagne pour aller travailler à la ville. Elle trouve emploi chez un
vieux couple de rentiers du 8ème arrondissement et vit ainsi
modestement toute sa vie. Elle a un fils avec dieu sait qui et l’élève dans sa
chambre. Son seul luxe, c’est le gâteau de Noël qu’elle lui prépare ; elle
part plusieurs mois avant l’Aven cueillir des baies dans la forêt au bout de la
ligne de Saint-Lazare, et achète des ingrédients délicats à l’épicerie de la
rue du Boccador, toutes ses économies de l’année passent ainsi dans son gâteau,
une merveille, qu’elle fait cuire le matin de Noël pour le lever de son tendre
fils qui, lui aussi, se contente de peu, sauf le gâteau.
Son fils est un prodige, il va à l’école du quartier, puis
fait des études de mathématiques si bien qu’il finit aux Indes, dans une
belle université avec des pelouses taillées de près et la statue du fondateur à
l’entrée, elle l’a vu sur la carte postale qu’elle a reçue de lui lorsqu’il s’y
est installé. Le Noël qui suit son départ, elle pense qu’il va revenir pour le
gâteau, mais lui ne peut pas, tu comprends, c’est loin l'Inde et le voyage
coûterait bien cher. Ça l’attriste alors, son gâteau, elle décide de le faire
goûter aux passants, au marché de Noël du quartier, sur le comptoir d’une
petite cabane de bois qu’elle partage avec une amie. Tout le monde s’émerveille
et lui en redemande, mais il n’y en a plus alors on lui commande un autre gâteau
comme celui là et elle dit que oui, elle veut bien en refaire un autre, elle
aussi ça lui fait plaisir que son gâteau plaise aux voisins.
Au bout du troisième mois, son gâteau a tellement de succès
qu’elle est obligée de le faire payer. Douze francs cinquante, ce n’est pas
bien cher pour ce que c’est.
Au bout du sixième mois, elle sous-loue la chambre d’à côté
pour y stocker de nouvelles casseroles et ses ingrédients.
Au bout du huitième mois, elle embauche une employée pour l’aider
et ouvre son site Internet.
Au neuvième mois, elle démissionne de chez ses patrons, les
deux paisibles rentiers de la rue du Boccador, et se consacre toute entière à la
fabrication de ses gâteaux.
Au dixième, elle fête son premier million de chiffre d’affaires.
Au onzième, elle achète un entrepôt en banlieue, dans lequel
elle installe une cuisine industrielle.
Au vingtième mois, elle recrute un CEO pour gérer l’entreprise,
elle se concentrant sur la production et le suivi de la qualité et ainsi de
suite, je vous passe l’épisode de la concurrence déloyale, des premiers mouvements
sociaux chez les employés de cuisine et de son voyage triomphal aux Etats-Unis,
à l’occasion de son introduction au NYSE.
Au bout de la troisième année, son fils lui écrit en lui
disant qu’il a trouvé femme et qu’il voudrait bien lui faire goûter le gâteau
de Noël de maman. Ils arriveront pour les fêtes par l’avion de 6h45 et il lui
joint une photo du couple, sa femme toute menue et lui avec une grosse barbe
que sa mère ne lui connaît pas.
Elle lui fait répondre qu’elle se réjouit de le voir, mais
que ce sera difficile à cette période, à cause du coup de feu de fin d’année.
Le gâteau de Noël, il le trouvera sous cellophane à son arrivée ; ils
fêteront cela plus tard, quand elle aura le temps.
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