jeudi 25 décembre 2014

[Fiction 46] : Un conte de Noël.

 
C’est l’histoire de Jacky, jeune femme fraîchement arrivée de sa campagne pour aller travailler à la ville. Elle trouve emploi chez un vieux couple de rentiers du 8ème arrondissement et vit ainsi modestement toute sa vie. Elle a un fils avec dieu sait qui et l’élève dans sa chambre. Son seul luxe, c’est le gâteau de Noël qu’elle lui prépare ; elle part plusieurs mois avant l’Aven cueillir des baies dans la forêt au bout de la ligne de Saint-Lazare, et achète des ingrédients délicats à l’épicerie de la rue du Boccador, toutes ses économies de l’année passent ainsi dans son gâteau, une merveille, qu’elle fait cuire le matin de Noël pour le lever de son tendre fils qui, lui aussi, se contente de peu, sauf le gâteau.
Son fils est un prodige, il va à l’école du quartier, puis fait des études de mathématiques si bien qu’il finit aux Indes, dans une belle université avec des pelouses taillées de près et la statue du fondateur à l’entrée, elle l’a vu sur la carte postale qu’elle a reçue de lui lorsqu’il s’y est installé. Le Noël qui suit son départ, elle pense qu’il va revenir pour le gâteau, mais lui ne peut pas, tu comprends, c’est loin l'Inde et le voyage coûterait bien cher. Ça l’attriste alors, son gâteau, elle décide de le faire goûter aux passants, au marché de Noël du quartier, sur le comptoir d’une petite cabane de bois qu’elle partage avec une amie. Tout le monde s’émerveille et lui en redemande, mais il n’y en a plus alors on lui commande un autre gâteau comme celui là et elle dit que oui, elle veut bien en refaire un autre, elle aussi ça lui fait plaisir que son gâteau plaise aux voisins.
 
Au bout du troisième mois, son gâteau a tellement de succès qu’elle est obligée de le faire payer. Douze francs cinquante, ce n’est pas bien cher pour ce que c’est.
Au bout du sixième mois, elle sous-loue la chambre d’à côté pour y stocker de nouvelles casseroles et ses ingrédients.
Au bout du huitième mois, elle embauche une employée pour l’aider et ouvre son site Internet.
Au neuvième mois, elle démissionne de chez ses patrons, les deux paisibles rentiers de la rue du Boccador, et se consacre toute entière à la fabrication de ses gâteaux.
Au dixième, elle fête son premier million de chiffre d’affaires.
Au onzième, elle achète un entrepôt en banlieue, dans lequel elle installe une cuisine industrielle.
Au vingtième mois, elle recrute un CEO pour gérer l’entreprise, elle se concentrant sur la production et le suivi de la qualité et ainsi de suite, je vous passe l’épisode de la concurrence déloyale, des premiers mouvements sociaux chez les employés de cuisine et de son voyage triomphal aux Etats-Unis, à l’occasion de son introduction au NYSE.
Au bout de la troisième année, son fils lui écrit en lui disant qu’il a trouvé femme et qu’il voudrait bien lui faire goûter le gâteau de Noël de maman. Ils arriveront pour les fêtes par l’avion de 6h45 et il lui joint une photo du couple, sa femme toute menue et lui avec une grosse barbe que sa mère ne lui connaît pas.
Elle lui fait répondre qu’elle se réjouit de le voir, mais que ce sera difficile à cette période, à cause du coup de feu de fin d’année. Le gâteau de Noël, il le trouvera sous cellophane à son arrivée ; ils fêteront cela plus tard, quand elle aura le temps.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de votre commentaire. A jeudi prochain sur www.blogetautresnouvelles.com