Il y eu des petits papiers, des dessins copiés, collés dans
des courriers électroniques, des schémas qu’il était seul à comprendre. De la
cour, il en était toujours question, mais pour plus tard, après qu’on aurait
aménagé la prairie, là-haut, n’est-ce pas ? Des chemins ont été tracés
dans le chiendent, c’était royal comme à Marly, de belles perspectives qui ne
menaient à rien, juste des paysages au loin qui faisaient statues.
Tout cela a été long, sept années où chaque quartier a
regardé l’autre en lui disant : « tu n’es que boue, mais voit ma
ramure, voit ma vigueur, dans un an, deux ans peut-être ? » Et
puis, un jour, il s’est attaqué à la cour, une fontaine avec des parterres
géométriques de part et d’autre, ça fait médiéval, sauf que c’est tout en métal
corten, si doux sur le vert du gazon.
Il est venu une dernière fois. Il a posé une petite porte,
la porte du jardin, en bois qui fait clac quand on la ferme et qui s’ouvre dans
les deux sens. Une semaine plus tard, il était mort.
Le jardin s’est couvert de neige. Il y a quelques fétus qui
dépassent, orphelins. L’hiver passe ainsi, dans le repli et l’oubli. Du jardin,
il n’est plus question, à quoi bon. La neige continue de tomber, et puis elle
finit par fondre.
On voit un minuscule crocus qui pointe entre les névés, et
puis les narcisses et les tulipes blanches et les primevères qu’on a fait venir
de l’Himalaya, si drôles avec leur tête rouge et puis toutes les vivaces sont
là, de retour, qui préviennent que, des roses de mai aux dahlias de l’automne,
le jardin n’en finira pas de bruire au rythme de la pensée du jardinier.
En hommage à Alain Richert, 1947-2014
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